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Nakivale (Ouganda) : 3 000 ménages de réfugiés sélectionnés pour recevoir une aide en cash de 1 000 dollars

SOS Médias Burundi

Dans un contexte de raréfaction des aides humanitaires classiques, l’arrivée d’un projet de transfert monétaire direct à Nakivale, l’un des plus grands camps de réfugiés d’Ouganda, suscite à la fois soulagement et inquiétude. L’ONG américaine GiveDirectly prévoit de verser 1 000 dollars à 3 000 ménages vulnérables, une aide inédite dans cette région. Mais la sélection des bénéficiaires ne fait pas l’unanimité.

Le camp de Nakivale, dans le sud-ouest de l’Ouganda, abrite plus de 150 000 réfugiés, dont environ 33 000 Burundais. Face au recul des aides humanitaires traditionnelles, l’ONG américaine GiveDirectly lance un programme d’aide financière directe ciblant 3 000 ménages jugés les plus vulnérables. Chacun d’eux recevra 1 000 dollars américains, versés en trois tranches sur douze mois, via transfert mobile.

Le projet, encore en phase de vérification des données fournies par le HCR, se veut inconditionnel : les bénéficiaires sont libres d’utiliser l’argent selon leurs besoins. Toutefois, ils sont encouragés à investir dans des activités génératrices de revenus.

« Nous avons été instruits de réfléchir à ce que nous pourrions entreprendre avec cet argent. Pour ma part, j’aimerais démarrer un petit commerce de légumes », confie une réfugiée burundaise présélectionnée.

Sélection rigoureuse en cours

Des équipes de GiveDirectly sillonnent les villages du camp pour vérifier les informations et confirmer les listes de bénéficiaires. Les agents mènent des entretiens, évaluent les conditions de vie et posent des questions sur l’usage prévu de l’aide.

Les critères de sélection incluent notamment :

  • les personnes âgées ;
  • les cheffes de famille seules ;
  • les ménages sans revenu stable ;
  • les familles avec enfants handicapés ou orphelins.

Pallier l’absence du HCR

Le projet intervient alors que le HCR a suspendu plusieurs programmes d’aide en cash, faute de financement. Un vide que GiveDirectly cherche à combler, tout en précisant qu’elle ne se substitue pas au HCR, mais cible les cas de pauvreté extrême souvent négligés.

« GiveDirectly comble un vide. Ce que nous recevons ne suffit plus, et cette somme peut changer une vie », témoigne un réfugié congolais.

Frustration chez les exclus

Mais cette approche ciblée n’est pas sans conséquences. Des réfugiés non retenus dénoncent une distribution jugée discriminatoire et injuste.

« Nous vivons tous dans les mêmes conditions d’exil. Pourquoi aider certains et pas les autres ? », s’interroge un réfugié burundais.

Des leaders communautaires expriment leurs craintes face à une possible montée des tensions, voire de l’insécurité.

« Donner de l’argent à une minorité peut attiser des conflits. On risque des cas de vol, d’agression ou d’extorsion », alerte l’un d’eux.

Certains appellent le HCR à reprendre la gestion de l’aide pour garantir une distribution perçue comme plus équitable.

Une philosophie de confiance

Créée en 2009 par d’anciens étudiants de Harvard, GiveDirectly défend une approche centrée sur l’autonomie des bénéficiaires :

« Les personnes vivant dans la pauvreté savent mieux que quiconque ce dont elles ont besoin », affirme l’organisation.

Elle critique les modèles humanitaires traditionnels où les décisions sont souvent prises à distance, par les bailleurs de fonds ou les ONG elles-mêmes.

« L’argent liquide permet aux gens d’investir dans ce dont ils ont besoin, au lieu de dépendre de décisions prises à des milliers de kilomètres. »

Déjà expérimentée dans plus de 15 pays, cette approche a permis à plus de 1,7 million de personnes de recevoir une aide directe, représentant plus de 900 millions de dollars, selon les chiffres communiqués par l’ONG.

Une expérience sous surveillance

Ce projet pilote à Nakivale est observé de près par les ONG locales, le HCR et les communautés de réfugiés. Sa réussite dépendra notamment :

  • de la transparence du processus de sélection ;
  • de la sécurité des bénéficiaires ;
  • et de l’impact réel à long terme sur la vie économique du camp.

Alors que les ressources humanitaires mondiales s’amenuisent, l’approche de GiveDirectly offre une alternative audacieuse, misant sur la confiance, la responsabilité individuelle et l’innovation sociale. Pour de nombreux réfugiés, cette initiative pourrait bien représenter une chance inespérée de reprendre en main leur avenir.

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Photo : Des réfugiés attendent leur tour dans un centre de vérification pour bénéficier de l’aide en cash de l’ONG américaine GiveDirectly, au camp de Nakivale en Ouganda, juillet 2025. © SOS Médias Burundi