Burundi – Chasse aux sorcières à Gasarara : six membres du CNDD-FDD tués par des Imbonerakure
SOS Médias Burundi
Un drame d’une rare violence s’est déroulé le lundi 30 juin 2025 sur la colline Gasarara, en commune Nyabiraba, province de Bujumbura (ouest du Burundi). Six personnes, toutes membres du parti au pouvoir CNDD-FDD, ont été tuées par une foule conduite par des Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti présidentiel. Elles étaient accusées de sorcellerie, sans qu’aucune preuve ne soit avancée.
Selon des témoins, les victimes ont été exécutées publiquement ou dans leurs maisons : deux hommes brûlés vifs, quatre femmes rouées de coups à l’aide de gourdins et de pierres. L’attaque s’est déroulée en plein jour, à la veille des célébrations du 63ᵉ anniversaire de l’indépendance du pays.
Des habitants de Gasarara affirment que ces actes ont été commis sous la houlette d’un certain Elysée, présenté comme responsable local des Imbonerakure. La série de meurtres aurait été déclenchée par des rumeurs circulant après plusieurs décès jugés « mystérieux », dont ceux d’un enseignant et d’un enfant.
« Ces morts ont semé la peur et la suspicion. Certains jeunes, manipulés, ont alors décidé de « punir » les supposés coupables. C’était une véritable expédition punitive », témoigne un habitant.
Une intervention tardive des autorités
Lorsque les forces de l’ordre sont arrivées sur les lieux, les assaillants s’étaient déjà dispersés. La Police nationale du Burundi (PNB) a confirmé l’arrestation d’au moins 16 personnes, dont plusieurs membres des Imbonerakure. Le ministre de l’Intérieur, Martin Niteretse, s’est rendu sur place le lendemain. Il a promis que « justice sera rendue » et assuré que les dossiers des suspects ont été transmis au parquet.
Superstition, vengeance et climat d’impunité
Si les accusations de sorcellerie sont fréquentes dans certaines régions du Burundi – notamment dans le nord-ouest, le sud-ouest et l’est – plusieurs sources locales affirment qu’elles servent souvent de prétexte à des règlements de comptes personnels ou politiques.
« Ce qui s’est passé à Gasarara est sans précédent. C’est la première fois qu’autant de personnes sont tuées en une seule journée pour des accusations de sorcellerie. C’est un signe alarmant », s’inquiète un acteur de la société civile locale.
Des habitants accusent également un responsable local du CNDD-FDD d’avoir approuvé, voire encouragé, le passage à l’acte. Cette complicité présumée nourrit un climat de peur et de division dans la communauté.
Une violation grave des droits humains
Ce massacre constitue une atteinte directe aux droits fondamentaux, notamment au droit à la vie et au droit à un procès équitable, tous deux garantis par la Constitution burundaise et les instruments internationaux auxquels le Burundi est partie. Les méthodes employées – brûlures, lapidation, passages à tabac – relèvent de traitements cruels, inhumains et dégradants, interdits par la Convention des Nations unies contre la torture.
Les familles réclament justice
Les proches des victimes exigent des poursuites rigoureuses contre tous les responsables, y compris ceux qui ont ordonné ou couvert ces crimes.
Plusieurs organisations de défense des droits humains appellent les autorités burundaises à :
- Identifier et traduire en justice tous les auteurs et complices de ces meurtres ;
- Lutter contre les accusations abusives de sorcellerie à travers des campagnes de sensibilisation ;
- Renforcer la présence et l’efficacité des forces de l’ordre et de la justice dans les zones rurales.
Un avertissement pour l’avenir
Le drame de Gasarara met en lumière la dangerosité de l’impunité, la manipulation des croyances traditionnelles et la politisation de la jeunesse. Si rien n’est fait pour briser ce cycle, d’autres violences similaires pourraient survenir ailleurs dans le pays.
Pour de nombreux observateurs, la réponse des autorités devra être ferme, impartiale et rapide, afin de rétablir l’État de droit et empêcher la répétition de tels actes.
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Photo : Le chef-lieu de la commune de Nyabiraba, à l’ouest du Burundi, où six personnes ont été assassinées sur simple soupçon de sorcellerie. © SOS Médias Burundi
