Cibitoke : des bulletins scolaires bloqués par des enseignants volontaires en attente de paiement

SOS Médias Burundi
Une crise silencieuse mais persistante secoue depuis plusieurs mois les écoles secondaires de la province de Cibitoke, dans le nord-ouest du Burundi. En cause : des enseignants volontaires, appelés localement Abakutsakivi, refusent de remettre les bulletins de fin d’année aux élèves, protestant contre le non-versement de leurs primes par l’État.
À l’approche de la clôture de l’année scolaire, des établissements comme le Lycée Cibitoke, le Lycée Butara, le Lycée Mère de Sauveur (à internat) ou encore le Lycée Technique Communal de Cibitoke se retrouvent dans l’impasse. Les enseignants volontaires, majoritairement de jeunes diplômés engagés pour combler le déficit en personnel, exigent le paiement de plusieurs mois d’arriérés avant toute remise de bulletins.
« On me doit huit mois de primes. Chaque mois, on me fait croire que ça va arriver, mais toujours rien. Je suis à bout. Je n’ai plus de quoi subvenir à mes besoins », confie un volontaire affecté dans un établissement public de la ville de Cibitoke.
Certains de ces enseignants vivent dans une grande précarité, menacés d’expulsion par leurs bailleurs faute de pouvoir payer leur loyer.
Une tension croissante entre établissements et parents
Face à ce blocage, plusieurs directions d’école ont décidé de suspendre entièrement la délivrance des bulletins, ce qui n’a fait qu’aggraver la colère des parents, inquiets pour la scolarité de leurs enfants.
Interrogé par SOS Médias Burundi, Joseph Nyandwi, directeur provincial de l’Éducation à Cibitoke, reconnaît la légitimité des doléances mais déplore la méthode :
« C’est vrai qu’ils n’ont pas encore été payés, mais retenir les bulletins en otage n’est pas la solution. L’État est en train de mobiliser les fonds nécessaires. Ils doivent faire preuve de patience. »
Il prévient également que des sanctions disciplinaires pourraient être envisagées contre ceux qui refuseraient de coopérer.
Le reflet d’un malaise plus profond
Pour de nombreux observateurs du secteur éducatif, cette crise met en lumière une fragilité structurelle du système scolaire burundais, qui repose encore largement sur le volontariat pour pallier le manque d’enseignants qualifiés.
« Ces jeunes ont travaillé sans salaire, dans des conditions souvent très dures. Il est compréhensible qu’ils réclament ce qui leur est dû. Les intimider ne réglera rien. Il faut une solution durable, avec des garanties de paiement, pour éviter que ce genre de situation ne se reproduise », estime un expert en éducation rencontré à Buganda.
En attendant une réponse concrète des autorités, élèves, enseignants et parents retiennent leur souffle, dans l’espoir de voir l’année scolaire se terminer dans la sérénité.
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Photo : Une enseignante dans une salle de classe bondée en province de Cibitoke. © SOS Médias Burundi