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Journée mondiale des réfugiés 2025 : la faim, la peur et l’oubli généralisé

SOS Médias Burundi

À la veille de la Journée mondiale des réfugiés, célébrée le 20 juin, SOS Médias Burundi dresse un état des lieux alarmant de la situation des réfugiés dans huit pays d’Afrique de l’Est et australe. Cette année, les commémorations cèdent la place à une réalité marquée par la détresse humanitaire : famine, effondrement des services de base, violations massives des droits, et silence assourdissant de la communauté internationale.

Dans les camps de Nyankanda, Bwagiriza, Kavumu, Musasa, Kinama et sur le site de Musenyi, les conditions de vie des plus de 90 000 réfugiés – principalement originaires de RDC – se sont gravement détériorées. La réduction de 50 % des rations alimentaires par le Programme alimentaire mondial (PAM) plonge les familles dans une insécurité alimentaire aiguë.

« Je dois partager un seul repas par jour entre mes enfants. Moi, je me contente d’eau chaude », confie Marie, réfugiée congolaise.

Les structures de santé sont à l’abandon, les transferts hospitaliers suspendus. Les écoles, surpeuplées et sous-équipées, peinent à remplir leur mission. Quant à l’hébergement, il reste dramatique, surtout pour les nouveaux arrivants.

« Je dors sous une bâche avec mes enfants. Il pleut, il fait froid, et nous tombons souvent malades », témoigne Chantal, arrivée en mars 2025.

Face à cette crise, le ministre burundais de l’Intérieur, Martin Niteretse, a lancé un appel d’urgence. Le HCR estime que 76,5 millions de dollars sont nécessaires pour couvrir les besoins humanitaires. Mais sur le terrain, c’est le désespoir qui domine.

RDC : plus de 42 000 réfugiés burundais abandonnés dans les camps du Sud-Kivu

À Lusenda, Mulongwe, Kavimvira et Sange, plus de 42 000 réfugiés burundais n’ont reçu aucune aide alimentaire depuis décembre 2024.

« Certains enfants souffrent de malnutrition. D’autres mendient pour survivre », rapporte Jeanne N., réfugiée à Mulongwe.

Privés de ressources, des adultes se tournent vers des petits boulots précaires ou rejoignent des groupes armés comme les milices Wazalendo, pour subvenir aux besoins de leurs familles. La Journée mondiale des réfugiés passera sous silence : la faim l’a emporté sur la commémoration.

Des femmes réfugiées du camp de Mulongwe, en RDC, préparent à manger en plein air © SOS Médias Burundi

Tanzanie : pressions, privations et un climat de peur à Nduta et Nyarugusu

Dans les camps de Nduta et Nyarugusu, où vivent plus de 110 000 réfugiés burundais, le climat est lourd de suspicion et de contraintes. Le processus d’« entretiens de présélection », soupçonné de masquer des rapatriements forcés, inquiète.

« C’est un théâtre. Ils veulent juste se débarrasser de nous », accuse un réfugié.

Les réfugiés dénoncent des corvées obligatoires, des démolitions punitives, des fermetures de services essentiels, des restrictions de mouvement et une réduction des rations de 75 %. Beaucoup estiment que le HCR est impuissant, voire complice.

« La partie burundaise est une prison à ciel ouvert », affirment des réfugiés de Nyarugusu, un camp scindé entre zones congolaises et burundaises.

Une banderole érigée dans un camp de réfugiés en Tanzanie à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés © SOS Médias Burundi

Rwanda : Mahama déborde, l’aide s’effondre

Au camp de Mahama, plus de 76 000 réfugiés – dont 40 000 Burundais – font face à une crise croissante. L’afflux récent de réfugiés congolais accentue la pression sur les ressources. Depuis avril, le PAM a drastiquement réduit l’aide monétaire.

« Même avec l’ancienne somme, nous avions faim. Aujourd’hui, c’est pire », confie un réfugié.

Les services de santé sont saturés, les transferts médicaux suspendus. L’insécurité progresse et les écoles ne fonctionnent plus que comme cantines de survie.

« Ce n’est plus une école, c’est une cantine de survie », résume un éducateur.

Un rassemblement de réfugiés dans le camp de réfugiés de Mahama à l’est du Rwanda non loin de la rivière Akagera © SOS Médias Burundi

Kenya : Kakuma, un camp sous la menace des armes

À Kakuma, où vivent plus de 200 000 réfugiés, dont 25 000 Burundais, l’insécurité devient endémique. Depuis avril, au moins trois réfugiés ont été tués lors d’attaques armées.

« Des Sud-Soudanais armés sèment la terreur. La police ne fait rien », déplorent des leaders communautaires.

Les tensions s’intensifient à Kalobeyei – extension du camp – notamment autour de l’accès à l’eau. Les réfugiés burundais se disent discriminés dans la distribution de vivres et l’accès aux soins.

Des réfugiés dont des Burundais devant un bureau du HCR à Kakuma avec des récipients vides
Des réfugiés dont des Burundais devant un bureau du HCR à Kakuma avec des récipients vides © SOS Médias Burundi

Ouganda : Nakivale, l’autonomie imposée par l’abandon

Le camp de Nakivale accueille 150 000 réfugiés, dont 33 000 Burundais. Faute d’aide suffisante, les réfugiés sont poussés vers une autonomie forcée. Coupures de rations, fermetures d’écoles et de centres de santé les laissent livrés à eux-mêmes.

« C’est une fête pour les rassasiés. Nous, nous survivons dans la misère », déclarent des réfugiés à propos du 20 juin.

Le sentiment d’insécurité grandit, notamment chez les personnes albinos. Une femme burundaise albinos et ses deux enfants ont disparu début mai, suscitant l’inquiétude.

Une partie du camp de Nakivale en Ouganda © SOS Médias Burundi
Une partie du camp de Nakivale en Ouganda © SOS Médias Burundi

Malawi : Dzaleka, un camp gangrené par les discriminations et l’insécurité

À Dzaleka, où vivent plus de 50 000 réfugiés, dont 11 000 Burundais, les accusations de discrimination dans l’accès aux soins sont fréquentes.

« Les Malawites sont soignés, pas nous », dénoncent des réfugiés.

L’insécurité s’aggrave. Meurtres, vols et enlèvements se multiplient. Les gardiens civils ne patrouillent plus depuis six mois, faute de salaire. Le 17 juin, un réfugié congolais a été retrouvé égorgé à son domicile.

Des agents de la police du Malawi dans une opération de rafle de réfugiés originaires des Grands-Lacs d’Afrique © SOS Médias Burundi

Zambie : à Meheba, survivre coûte que coûte

Au camp de Meheba, qui accueille 27 000 réfugiés, dont 3 000 Burundais, l’envolée des prix alimentaires et la fin des aides contraignent nombre de réfugiés à tenter leur chance en ville, malgré le risque d’arrestation ou d’amende.

Les nouveaux arrivants, installés depuis plus d’un an dans un centre de transit improvisé le long de la route 36, dorment à la belle étoile.

« Ils dorment dehors, sans soins ni assistance », alerte un représentant des réfugiés.

Des réfugiés devant une structure sanitaire à Meheba en Zambie © SOS Médias Burundi

Un appel à l’action au-delà du symbole

De la Tanzanie à la Zambie, du Burundi au Kenya, les récits se recoupent : faim, violences, délaissement, effritement des droits. Cette Journée mondiale des réfugiés 2025, loin d’être festive, doit être un signal d’alarme.

Les réfugiés appellent le HCR, les gouvernements hôtes et la communauté internationale à honorer leurs engagements. Pour que la Convention de Genève de 1951 cesse d’être une promesse vide, et redevienne ce qu’elle doit être : un bouclier contre l’indignité.

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Photo : Une réfugiée burundaise prépare de la nourriture pour ses enfants dans un camp en Tanzanie ©SOS Médias Burundi