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Burundi : Cinq ans après, les citadins de Bujumbura dressent un bilan amer du régime Ndayishimiye

SOS Médias Burundi

Cinq ans après son arrivée au pouvoir, le président Évariste Ndayishimiye fait face à une population urbaine de plus en plus désabusée. À Bujumbura, capitale économique du pays, le contraste est saisissant entre les discours officiels célébrant un quinquennat de “réformes” et le quotidien de nombreux habitants qui parlent plutôt de précarité, de survie et de promesses non tenues.

Lors de son investiture en juin 2020, le général Ndayishimiye avait lancé un message fort, à visée rassembleuse :« Que chaque bouche ait à manger et que chaque poche ait de l’argent ».

Mais cinq ans plus tard, ce slogan est largement tourné en dérision par les citadins.

« On attend toujours que nos poches se remplissent. Ce n’est pas avec des slogans qu’on nourrit nos familles »,
lâche un commerçant du marché central. Autour de lui, ses collègues parlent d’un mot d’ordre qui “sonne creux”, tant il est éloigné de leur réalité quotidienne.

Carburant : une pénurie qui s’éternise

La crise énergétique, notamment la pénurie de carburant, s’est installée dans la durée. Depuis plus de quatre ans, les longues files d’attente devant les stations-service sont devenues une scène familière à Bujumbura comme dans d’autres villes du pays.

« Comment peut-on parler de développement dans un pays où il faut faire la queue toute la journée pour un litre d’essence ? », s’insurge un habitant du centre-ville.

Malgré les multiples promesses des autorités, la situation reste inchangée. Et cette crise structurelle impacte l’ensemble des secteurs : transports, production, commerce.

Pauvreté et inflation : le fardeau du quotidien

Les statistiques confirment ce que vivent les Burundais au quotidien. D’après la Banque mondiale, plus de 70 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2023. Et près de la moitié des Burundais souffrent d’insécurité alimentaire chronique, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).

Même dans les zones urbaines, réputées plus dynamiques, les chiffres sont alarmants. L’Institut de statistiques du Burundi (ISTEEBU) estime que plus de 40 % des habitants de Bujumbura vivent en situation d’extrême pauvreté, un taux en hausse depuis 2020.

« C’est devenu impossible de nourrir correctement sa famille ou de payer les frais de scolarité des enfants. Pourtant, je travaille tous les jours ! », confie un fonctionnaire, visiblement à bout.

L’inflation aggrave encore la situation. En 2024, le taux annuel moyen a atteint 20,21 %, selon le FMI. En avril 2025, il a bondi à 45,50 %. Les prix des produits de base, du carburant et des transports explosent, étranglant les ménages.

Routes en ruine, colères en hausse

Autre point noir : l’état des infrastructures, en particulier les routes. Malgré les déclarations répétées du chef de l’État annonçant leur réhabilitation, les axes routiers restent dans un état déplorable.

« Le président disait que le problème des routes allait être réglé. Jusqu’ici, rien n’a été fait. On en a assez des discours ! », dénonce un conducteur de taxi-moto à Kanyosha, dans le sud de la capitale.

Le fossé entre les discours et la réalité

Dans les quartiers populaires de Bujumbura, les habitants disent se sentir abandonnés. Pour eux, la rhétorique gouvernementale sur la transparence et la bonne gouvernance ne fait plus illusion.

« Ils se félicitent à la télévision pendant que nous, on ne sait pas quoi manger demain »,
lance une vendeuse ambulante du quartier Jabe.

De plus en plus, les citadins expriment leur méfiance à l’égard d’un pouvoir qu’ils perçoivent comme éloigné des réalités du peuple, concentré sur sa propre image et incapable d’apporter des réponses concrètes à leurs difficultés.

Une présidence fragilisée

Alors qu’il entame la seconde moitié de son mandat constitutionnel, le président Ndayishimiye est confronté à un climat social tendu. L’économie stagne, les indicateurs de pauvreté sont en hausse, et les voix critiques se multiplient.

« Cinq ans après, je ne vois ni l’argent dans ma poche, ni de quoi nourrir mes enfants. Ce pays n’a pas changé. Le lait et le miel qu’on nous promettait ? Un mirage »,
témoigne un père de famille, résigné.

Le bilan du quinquennat du président Ndayishimiye apparaît en net décalage selon qu’on se place du côté du pouvoir ou de celui des citoyens. À Bujumbura, la désillusion est palpable. Pour de nombreux citadins, les cinq dernières années n’ont pas été synonymes de progrès, mais de galère.

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Photo : Une vieille femme contemple une photo de campagne du président Évariste Ndayishimiye lors de l’élection présidentielle de 2020 © SOS Médias Burundi