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Élections 2025 : 8 opposants arrêtés et emprisonnés dans la province de Burunga — les accusations de fraude servent à museler les mandataires

Le jeune opposant de Rutana après sa condamnation par le tribunal de province, le 6 juin 2025 à Rutana © SOS Médias Burundi

SOS Médias Burundi

Burunga ,12 juin 2025- Huit mandataires ou sympathisants de l’opposition ont été arrêtés le jour du scrutin du 5 juin dans la province de Burunga ( sud-est du Burundi). Officiellement accusés de fraudes électorales, plusieurs d’entre eux affirmaient pourtant vouloir dénoncer des irrégularités. Deux ont déjà été condamnés à de lourdes peines. Des arrestations dénoncées comme une manœuvre pour museler l’opposition.

La journée électorale du 5 juin s’est transformée en cauchemar pour plusieurs mandataires de l’opposition dans la province de Burunga, au sud-est du Burundi. Huit personnes, pour la plupart affiliées à des partis opposés au CNDD-FDD, ont été arrêtées. Deux d’entre elles ont déjà été condamnées. Si les autorités évoquent des sanctions contre des fraudes électorales, des témoins et sources locales dénoncent une opération ciblée pour entraver toute observation indépendante dans cette province largement acquise au parti au pouvoir.

Commune Kayogoro — Un pasteur arrêté pour “bulletins déchirés”

Vers 14h, au centre de vote Kibara, bureau n°3 (colline Kibara, zone Bigina), Julias Bizimana, 57 ans, pasteur de l’Église Pentecôte, a été interpellé pour avoir, selon les autorités, déchiré des bulletins de vote. Des témoins assurent qu’il avait simplement exprimé des critiques sur le déroulement du scrutin. Il est actuellement détenu au cachot du parquet de Makamba.

Commune Kibago — Deux mandataires dans le collimateur

À 16h30, au bureau de vote Kiyange 1, Gérard Ruzocimana, 27 ans, mandataire de la coalition Burundi Bwa Bose, a été arrêté, accusé d’avoir utilisé de faux papiers pour voter à la place de son frère. Il est détenu à Makamba.

Plus tôt dans la journée, vers 11h, au centre de vote de l’école fondamentale de Nyarubanga (colline Nyarubanga), Éric Nahimana, également mandataire de Burundi Bwa Bose, a été arrêté pour “intrusion” et usage de faux documents. Des sources indiquent qu’il cherchait à dénoncer des irrégularités dans le déroulement du vote. Il est lui aussi incarcéré à Makamba.

Commune Nyanza-Lac — Trois arrestations à connotation politique

Vers 9h30, au lycée communal de Mugerama, Élie Nyabenda, 64 ans, a été arrêté pour avoir déchiré sa carte d’électeur. Il affirme qu’il s’agissait d’un malentendu, étant récemment rentré de RDC et peu informé des consignes. Il a été condamné à deux ans de prison, malgré son appel.

À 11h, au lycée technique de Nyanza-Lac, Ismaël Hussein, 43 ans, est accusé d’avoir déchiré des bulletins de vote et tenté de les dissimuler. Il est en détention.

Commune Bururi — Un mandataire arrêté pour une simple question

Au centre de formation de Rwankona, Marc Ndarucamwo, militant du FRODEBU et mandataire de Burundi Bwa Bose, a été arrêté pour avoir simplement demandé pourquoi l’encre n’était pas appliquée aux votants. Bien qu’acquitté en procédure de flagrance, il reste injustement détenu.

Toujours à Bururi, un militant de Burundi Bwa Bose a été condamné à deux ans de prison pour défaut de paiement d’une amende de 400.000 francs burundais. Un membre du CNL a, lui, écopé d’un an pour non-paiement d’une amende de 800.000 FBu, infligée après une condamnation pour « délit électoral ».

Commune Rutana — Deux condamnations sévères pour détention de cartes

Au centre de vote de l’école fondamentale Matutu (zone Kivoga), une électrice a été arrêtée en possession de quatre cartes d’électeurs. Elle a expliqué qu’elles appartenaient à des proches. Le tribunal de grande instance de Rutana l’a condamnée à cinq ans de prison pour entrave au vote et vol aggravé. Elle est détenue à la prison centrale de Rutana.

Le même jour, dans ce même centre, un jeune homme a également été appréhendé avec quatre cartes d’électeurs. Jugé en flagrance le vendredi 6 juin, il a reconnu les faits. Il a été condamné à cinq ans de servitude pénale pour les mêmes infractions.

Des arrestations sélectives

Aucun militant du CNDD-FDD n’a été poursuivi pour des faits similaires, ce qui alimente un fort sentiment d’injustice parmi les familles et partis concernés. Les arrestations visent essentiellement des mandataires du Burundi Bwa Bose, du FRODEBU et du CNL, dont plusieurs affirment qu’ils tentaient simplement de garantir la transparence du scrutin.

Un climat de répression prévisible

Ces arrestations, souvent dénoncées comme arbitraires, illustrent un climat de peur et de répression qui entoure les élections de juin 2025. Des familles, des défenseurs des droits humains et des figures politiques de l’opposition réclament leur libération immédiate, dénonçant une justice à géométrie variable instrumentalisée par le pouvoir.

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Photo : le jeune opposant de Rutana après sa condamnation par le tribunal de province, le 6 juin 2025 à Rutana © SOS Médias Burundi