Bubanza : Fraude électorale massive – les dessous d’un “100 % CNDD-FDD”
SOS Médias Burundi
Les élections législatives et communales organisées dans la province de Bubanza, à l’ouest du Burundi, sont entachées de graves accusations de fraude. Selon de multiples témoignages recueillis auprès de responsables de bureaux de vote et d’électeurs, le scrutin aurait été largement manipulé au profit du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, qui y a obtenu 100 % des suffrages. Ce résultat suscite l’indignation de l’opposition et la colère de la société civile, qui dénoncent un processus électoral biaisé et opaque.
Dans plusieurs centres de vote de la commune de Bubanza, certains membres des bureaux de vote admettent avoir eux-mêmes contribué aux irrégularités. L’un d’eux confie :
« Nous avions reçu la consigne de voter à la place des électeurs censés arriver avant 6 heures. Certains ne posaient même pas leur empreinte, on le faisait à leur place. Ils se contentaient de glisser le bulletin dans l’urne. »
Des pratiques similaires se seraient poursuivies au-delà des heures officielles de vote, parfois dans l’obscurité, et sans la présence d’observateurs.
Climat de peur et absence de secret de vote
Le déroulement du scrutin s’est effectué dans un climat tendu, marqué par une surveillance étroite et des pressions sur les électeurs. Un enseignant ayant voté dans une école de Bubanza décrit une scène troublante :
« Les isoloirs n’étaient pas installés de façon à garantir la confidentialité. N’importe qui pouvait voir pour qui vous votiez. »
Selon plusieurs témoins, des membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD, les Imbonerakure, auraient escorté des électeurs jusque dans l’isoloir :
« Ceux qui semblaient plus instruits étaient accompagnés. Les Imbonerakure vérifiaient leur choix, et s’ils doutaient de leur loyauté, ils les menaçaient », rapporte un électeur.
Opposition marginalisée et intimidée
Depuis la proclamation des résultats, plusieurs formations politiques – notamment l’UPRONA, le RANAC, la coalition Burundi Bwa Bose ainsi que des candidats indépendants – contestent la régularité du scrutin, qu’ils qualifient de “mascarade électorale”.
« Comment expliquer que tous nos bulletins soient déclarés nuls, alors que nous avions mobilisé des centaines de sympathisants ? », s’interroge un candidat local.
De nombreux mandataires de l’opposition affirment avoir été exclus du processus de dépouillement. Certains n’ont même pas eu l’occasion de consulter les bulletins comptabilisés :
« Celui qui osait poser une question risquait l’arrestation pour perturbation du scrutin », déplore un observateur local.
Une victoire sans légitimité démocratique ?
Tandis que le CNDD-FDD célèbre une victoire totale à Bubanza, les récits recueillis sur le terrain dressent un tableau inquiétant. Bourrages d’urnes, absence de secret de vote, intimidation, exclusion des opposants : autant de pratiques contraires aux principes démocratiques, susceptibles de saper durablement la confiance des citoyens dans le processus électoral.
À ce jour, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’a pas réagi à ces accusations. Mais dans un contexte où le pluralisme politique semble en net recul, de plus en plus de voix appellent à une enquête indépendante sur un scrutin jugé “ni libre, ni équitable”.
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Photo : Une rue de Bubanza le jour des élections législatives et communales du 5 juin 2025. L’ambiance y était calme en apparence, malgré des soupçons de fraudes électorales © SOS Médias Burundi
