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Élections à Butanyerera : un calme trompeur, entaché de fraudes massives et d’intimidations

SOS Médias Burundi

Ngozi, 7 juin 2025 — La province élargie de Butanyerera — englobant les anciennes provinces de Kirundo, Ngozi et Kayanza — a connu des élections marquées par un déroulement en apparence paisible, mais profondément miné par de nombreuses irrégularités et une fraude systématisée, orchestrée notamment par les Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti présidentiel, le CNDD-FDD.

Des témoins dénoncent une présence inquiétante des Imbonerakure jusque dans les isoloirs.

Dans plusieurs bureaux de vote, des Imbonerakure ont été aperçus aux abords, voire à l’intérieur des centres, accompagnant certains électeurs, en particulier ceux soupçonnés de ne pas voter pour le CNDD-FDD.
À Vumbi, un cas a choqué la population : un électeur, dont l’identité reste confidentielle, a refusé d’être surveillé dans l’isoloir par un Imbonerakure. Un échange houleux s’en est suivi : le bulletin a été déchiré, et l’électeur arrêté pour « trouble au déroulement du vote », selon les autorités.

Ce comportement a suscité l’indignation des témoins présents. Plusieurs habitants exigent la libération immédiate de cet électeur, décrit comme un fonctionnaire respecté, et dénoncent le harcèlement électoral ainsi que l’impunité dont bénéficient les membres du CNDD-FDD.

Des mandataires d’opposition écartés ou intimidés

Dans de nombreuses communes — Kirundo, Ngozi, Matongo, Busoni, Kiremba et Tangara — des mandataires de l’opposition, notamment du parti CNL, n’ont pas pu exercer leur rôle.
Selon des sources concordantes, ils ont été intimidés, menacés ou tout simplement empêchés d’accéder aux centres de vote. Résultat : la majorité des mandataires présents étaient issus du CNDD-FDD, compromettant gravement la transparence du scrutin.

Des structures électorales noyautées par le parti au pouvoir

La composition même des structures électorales laissait peu de place au doute.
Des présidents de CEPI et de CECI — respectivement les commissions provinciale et communale en charge des élections — jusqu’aux agents des bureaux de vote : la plupart étaient membres ou sympathisants du parti au pouvoir, facilitant des pratiques de fraude électorale organisée.

Dans plusieurs bureaux, l’absence des représentants du CNL a été constatée, rendant toute contestation interne impossible. Pour certains électeurs, il s’agissait davantage d’un simulacre d’élection que d’un véritable exercice démocratique.

Intimidation généralisée et peur dans les isoloirs

La peur était omniprésente. Des électeurs rapportent qu’il leur était interdit de voter librement, sous peine d’être battus ou humiliés publiquement.
« Même dans l’isoloir, on nous disait qu’on verrait ce qu’on avait voté », témoigne un habitant de Kayanza, visiblement marqué par la journée.

Les citoyens affirment avoir été contraints de voter pour le CNDD-FDD, sous pression psychologique ou physique. Un climat d’intimidation généralisée a vidé de son sens le principe du vote secret et libre.

La presse muselée sous contrôle étroit

Même les journalistes, censés être les gardiens de la transparence, ont vu leur liberté réduite.
Avant le début de la synergie des médias prévue jeudi et vendredi, plusieurs reporters auraient reçu des instructions strictes sur les limites à ne pas franchir.
Résultat : un silence partiel sur les irrégularités et une couverture biaisée de la situation réelle sur le terrain.

Un scrutin qui interroge la crédibilité démocratique

Dans les collines comme dans les centres urbains de Butanyerera, le scrutin du 5 juin aura laissé une profonde amertume.
Derrière la façade d’un calme électoral, les pratiques d’intimidation et de fraude rappellent combien le chemin vers une véritable démocratie reste semé d’embûches au Burundi.

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Photo : dépouillement des urnes dans un centre de vote de l’est du Burundi, le 5 juin 2025 © SOS Médias Burundi