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Élections à Rumonge : climat de peur, exclusion des mandataires et fraudes massives

SOS Médias Burundi

Alors que le Burundi tenait ses élections législatives et communales ce jeudi, la province de Rumonge s’est distinguée par une série d’irrégularités graves : intimidations ciblées, fraude électorale manifeste et exclusion des représentants de l’opposition. Ces dérives viennent ternir un processus électoral déjà critiqué pour son manque de transparence.

Dans la zone de Buruhukiro, commune Rumonge, des cas de menaces à l’encontre d’électeurs présumés hostiles au CNDD-FDD ont été rapportés à la veille du scrutin. Des travailleurs des palmeraies locales affirment avoir reçu des avertissements de la part de responsables du parti au pouvoir. L’un d’eux aurait déclaré :
« Nous allons comparer les listes des réunions du CNDD-FDD avec les résultats du vote », laissant entendre que des représailles pourraient s’abattre sur ceux qui ne voteraient pas pour le parti présidentiel.

Cette pression s’est également traduite par des sanctions professionnelles. La semaine précédente, six dockers ayant assisté à une réunion de l’UPRONA ont été licenciés du port de Rumonge. Selon leurs témoignages, une cadre locale leur aurait lancé :
« Vous reviendrez au travail lorsque l’UPRONA reviendra au pouvoir. »

Réunions confidentielles et consignes partisanes

Selon des sources locales concordantes, des réunions discrètes ont été organisées sur toutes les collines et dans plusieurs quartiers de Rumonge la veille du scrutin. Sous la houlette de hauts cadres du CNDD-FDD, ces rencontres avaient pour but de transmettre des consignes claires aux membres des bureaux de vote – souvent eux-mêmes affiliés au parti présidentiel. Cette supervision politique a jeté un doute supplémentaire sur la neutralité des opérations électorales.

Fraudes électorales : plusieurs cas documentés

Le jour du vote, les signalements de fraude n’ont pas tardé. À Mugomere, un chef de quartier aurait été surpris en train d’introduire une trentaine de bulletins dans l’urne dès l’ouverture du bureau de vote. À Kizuka, le président d’un bureau aurait procédé lui-même à des votes multiples à la place de plusieurs citoyens.

Sur la colline Mwange, dans la même commune, les mandataires des partis politiques ont été interdits d’entrée dans les bureaux de vote. Des incidents similaires ont été constatés à Cabara, Minago et Kigwena. Pour un responsable local de l’opposition, il ne fait aucun doute :
« Refuser l’entrée aux mandataires, c’est un aveu. Ils ne veulent pas de témoins pendant qu’ils truquent les résultats. »

Défaillances logistiques et silence des autorités

Malgré l’ampleur des irrégularités, les autorités électorales se sont montrées peu réactives. Interrogé à ce sujet, le porte-parole de la CENI a rappelé que les mandataires régulièrement accrédités ont le droit d’accéder aux bureaux de vote. Mais sur le terrain, les observations des journalistes de la Synergie des Médias montrent une autre réalité : de nombreux présidents de bureaux ne disposaient pas d’équipements radio pour recevoir les instructions en temps réel, limitant ainsi leur capacité à répondre aux directives officielles.

Un scrutin tendu, sous forte surveillance

Si aucun incident majeur n’a été signalé dans certains quartiers comme Mugomere, le déroulement du vote s’est opéré dans un climat de tension. Dès l’aube, les électeurs se sont mobilisés, mais leur passage dans les isoloirs s’est fait sous l’œil vigilant des forces de l’ordre et de membres de la ligue de jeunesse Imbonerakure, dont la présence continue d’inquiéter les observateurs indépendants.

Une province sous pression, une élection en question

Avec plus de 600 bureaux de vote installés dans la province, les multiples violations documentées à Rumonge jettent une ombre sur l’ensemble du processus électoral. Alors que plus de six millions de Burundais étaient appelés à élire leurs députés et conseillers communaux, les événements survenus dans cette province illustrent une dérive préoccupante : mainmise du parti au pouvoir, marginalisation systématique de l’opposition, et climat de peur orchestré pour verrouiller un scrutin sans véritable concurrence.

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Photo : Dépouillement dans un bureau de vote au Burundi, lors des élections du 5 juin 2025 © SOS Médias Burundi