Cibitoke : des commerçantes enfermées pour avoir assisté à un meeting d’un candidat indépendant
SOS Médias Burundi
À Rugombo, plusieurs vendeuses de fruits ont été enfermées pendant plusieurs heures dans les locaux du parti au pouvoir après avoir assisté à un meeting d’un candidat indépendant. Un incident qui soulève des inquiétudes quant au respect des libertés fondamentales à l’approche des élections du 5 juin.
À l’approche des élections législatives et communales prévues le 5 juin, le climat politique continue de se tendre dans certaines régions du Burundi. Ce mercredi, plusieurs vendeuses de fruits du marché moderne de Cibitoke ont été retenues de force pendant six heures dans les locaux de la permanence du CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Leur tort, selon plusieurs témoins : avoir assisté à un meeting du candidat indépendant Thomas Nzeyimana, connu sous le surnom de Mukombozi.
D’après des sources locales, ce sont des responsables de la section communale du CNDD-FDD qui auraient ordonné cette mesure. Les commerçantes, identifiées lors du rassemblement du 23 mai qui s’est tenu sur le parking attenant au marché, sont accusées d’« ingratitude » après avoir bénéficié, selon le parti, d’emplacements commerciaux grâce à son appui.
Des pertes économiques et une humiliation politique
Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Privées de leurs étals, les commerçantes ont vu leurs fruits — ananas, bananes mûres, mandarines et oranges — se détériorer sous le soleil, sans protection ni surveillance.
« J’ai perdu toute ma marchandise alors que je dois encore rembourser mes crédits. C’est une sanction déguisée pour mes opinions politiques », déplore l’une des femmes concernées.
Mais pour ces vendeuses, les pertes économiques ne sont qu’une facette du préjudice subi. L’incident est perçu comme une tentative d’intimidation visant à les dissuader d’exprimer leurs préférences politiques.
« Nous payons nos taxes, nous travaillons légalement. Personne ne peut nous obliger à soutenir un parti politique. Voter est un droit », rappelle fermement une autre.
Uniformes imposés, allégeance forcée
Les commerçantes rapportent également avoir été contraintes de porter les uniformes du CNDD-FDD pendant leur détention — un acte qu’elles dénoncent comme une atteinte directe à leur liberté de conscience et à leur dignité.
L’opposition n’a pas tardé à réagir, dénonçant un climat de répression croissante. Des responsables politiques y voient un « signe de dérive autoritaire » et un « prélude à un hold-up électoral », dans un contexte où les témoignages d’intimidation envers les voix dissidentes se multiplient à mesure que la campagne électorale touche à sa fin.
Des autorités locales silencieuses
Contacté par SOS Médias Burundi, l’administrateur communal de Rugombo, Gilbert Manirakiza, a affirmé n’avoir « aucune connaissance » de cet incident. Il a assuré que « le climat politique est calme » dans la commune, sans toutefois apporter de précisions supplémentaires.
Les commerçantes concernées, quant à elles, contestent cette version et appellent à la protection de leurs droits fondamentaux. Elles réclament un environnement commercial apolitique, où leurs opinions ne donnent lieu ni à des représailles ni à des formes de persécution.
Alors que le scrutin approche, l’affaire de Rugombo illustre un malaise croissant dans certaines localités du pays, où l’intimidation semble s’ériger en outil de pression politique.
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Photo : Des stands vides au marché moderne de Rugombo : leurs occupantes ont été emmenées de force dans une permanence du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, en guise de punition pour avoir assisté à un meeting d’un candidat indépendant © SOS Médias Burundi
