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Entre frontières fermées et mandarines invendues, les femmes de Rumonge se réinventent

SOS Médias Burundi

À Rumonge, dans le sud-ouest du Burundi, la fermeture des frontières avec le Rwanda asphyxie le commerce des mandarines. Mais face à cette impasse économique, des femmes locales redoublent d’ingéniosité pour transformer une crise en opportunité.

Depuis la rupture des relations diplomatiques entre Bujumbura et Kigali, les effets se font sentir bien au-delà des régions frontalières. À Rumonge, commune pourtant éloignée de la ligne de démarcation, les producteurs de mandarines sont frappés de plein fouet. L’interdiction d’exporter des produits vivriers vers les pays voisins leur a fait perdre un débouché crucial : le marché rwandais, où leurs fruits étaient autrefois largement écoulés.

« Avec la fermeture des frontières rwando-burundaises, nous avons perdu notre principal marché. Aujourd’hui, nous ne pouvons vendre qu’à Bujumbura, et cela ne suffit pas. Nous sommes à court de solutions », déplore un agriculteur local, désarmé face à la surabondance de fruits mûrs qui restent accrochés aux branches, faute d’acheteurs.

La saison des mandarines, qui bat son plein entre mai et juin, offre cette année une récolte exceptionnelle. Mais l’absence de circuits d’écoulement transforme cette richesse en fardeau pour de nombreux producteurs. Pourtant, là où certains voient un mur, d’autres aperçoivent une brèche.

Dans les zones de Kizuka (commune Rumonge) et de Magara (commune Bugarama), des femmes sans ressources et de jeunes filles ont décidé de tirer parti de l’abondance. Se lançant dans le commerce ambulant, elles sillonnent les routes les plus fréquentées, vendant leurs paniers de mandarines aux passants et automobilistes. Les prix varient entre 2 000 et 3 000 francs burundais, selon la qualité des fruits.

« Grâce à ce commerce, je parviens à nourrir mes enfants », témoigne une vendeuse installée à un point stratégique. Même les enfants s’y mettent après l’école, courant derrière les voitures dans l’espoir d’échanger un panier contre quelques billets.

Mais ces efforts individuels, bien que louables, ne sauraient suffire à absorber toute la production locale. Des voix s’élèvent donc pour demander une révision de la politique commerciale. Certains agriculteurs plaident pour une réouverture des frontières afin de relancer les échanges régionaux. D’autres soulignent l’urgence de mettre en place des unités de transformation, notamment pour produire du jus de fruits, ce qui permettrait de valoriser les récoltes excédentaires.

En attendant une éventuelle détente diplomatique, les mandarines continuent de mûrir… et parfois de pourrir, faute de marchés pour les accueillir.

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Photo : Des femmes et jeunes filles vendent des mandarines aux passagers le long de la route Bujumbura–Rumonge © SOS Médias Burundi