Tanzanie : face à la menace de fermeture des ONG, les réfugiés burundais redoutent un retour forcé
SOS Médias Burundi
L’inquiétude gagne les camps de réfugiés burundais de Nduta et Nyarugusu, dans la région de Kigoma, au nord-ouest de la Tanzanie. Lors d’une visite cette semaine, le secrétaire permanent au ministère tanzanien de l’Intérieur chargé des réfugiés, Sudi Mwakibasi, a annoncé que la majorité des organisations humanitaires actives dans les camps cesseront leurs activités d’ici septembre. Il a exhorté les réfugiés à regagner le Burundi pour éviter une « catastrophe humanitaire imminente ».
Connu pour ses prises de position fermes, voire hostiles envers les réfugiés burundais, Sudi Mwakibasi n’a pas adouci son ton. Depuis un terrain poussiéreux de la zone 5 à Nduta, il a dressé un tableau alarmant de la situation.
« Save the Children a déjà fermé. MTI (Medical Teams International), son successeur, s’apprête à faire de même. Ce sera aussi le cas pour l’IRC et MSF. Le PAM a drastiquement réduit son assistance, signe d’un retrait progressif. Même les examens nationaux NECTA ne seront plus organisés dans les camps », a-t-il déclaré, en lisant un document que beaucoup ont perçu comme une annonce coordonnée d’un désengagement massif.
Aucune des organisations citées n’a publiquement commenté ces déclarations, alimentant les craintes d’un départ orchestré. Un silence perçu par de nombreux réfugiés comme le reflet d’un consensus tacite en faveur d’un retour imposé.
Un représentant du HCR, seule voix humanitaire à s’exprimer, a confirmé que l’aide financière allouée aux rapatriés — actuellement autour de 200 dollars — pourrait être réduite après le mois de septembre. Il a encouragé les réfugiés à « profiter de l’opportunité tant qu’elle est encore disponible », rapporte un témoin burundais présent lors de la visite.
Objectif annoncé : 3 000 retours par semaine
Pour « éviter une catastrophe », Mwakibasi a plaidé pour une accélération du processus de rapatriement. Il a évoqué la mise en place de mécanismes visant à faciliter le retour de 3 000 réfugiés chaque semaine dès le mois de mai. Il était accompagné d’une délégation burundaise venue appuyer ce message.
Le directeur général burundais chargé du rapatriement, Nestor Bimenyimana, a affirmé que la paix est désormais rétablie au Burundi et qu’« aucun obstacle ne justifie que les réfugiés restent à l’étranger ». Toutefois, il a également lancé un avertissement clair : « Quiconque a participé à des actes de terrorisme, de sabotage, de troubles à l’ordre public ou tenté de renverser le pouvoir devra répondre de ses actes. La justice fera son travail. »
Un discours qui, selon plusieurs réfugiés, s’apparente davantage à une intimidation qu’à une garantie de sécurité.

Témoignage d’un ancien réfugié… accueilli dans un silence pesant
La délégation comprenait également cinq anciens réfugiés, dont Ramadhan, ex-président du camp de Nduta. S’adressant aux résidents, il a lancé : « Vous vous souvenez de moi ici ? Regardez ce que je suis devenu. Je me suis réintégré, j’ai évolué. Je contribue au développement de notre pays. Rejoignez-moi. »
Mais le message a visiblement laissé l’audience sceptique. « Même les tambourinaires ont refusé de jouer pour l’applaudir », raconte un réfugié, soulignant l’atmosphère tendue.
Les leaders d’opinion appelés à « s’impliquer », sous étroite surveillance
Pour garantir le succès de cette campagne de retour, les autorités tanzaniennes et burundaises comptent sur les figures influentes des camps — enseignants, responsables religieux, directeurs d’écoles — pour relayer le message.
« Ils doivent jouer leur rôle. On verra comment s’y prendre. Ceux qui ne coopéreront pas ne seront pas tolérés », a averti Sudi Mwakibasi, appelant les responsables administratifs à surveiller de près ces leaders d’opinion.

Un appel à l’aide internationale
À Nduta comme à Nyarugusu, l’angoisse monte. De nombreux réfugiés lancent un appel pressant aux ONG tanzaniennes, aux organisations régionales et internationales de défense des droits humains, ainsi qu’aux Nations Unies. Beaucoup redoutent un rapatriement qui ne serait ni volontaire, ni sécurisé.
La Tanzanie accueille encore plus de 104 000 réfugiés burundais. Une écrasante majorité d’entre eux déclare ne pas se sentir en sécurité à l’idée de retourner au pays.
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Photo : Des réfugiés burundais dans une réunion avec les autorités tanzaniennes au camp de Nyarugusu © SOS Médias Burundi
