Ituri : l’apparition d’un nouveau groupe armé accentue l’instabilité sécuritaire

La province de l’Ituri à l’est du Congo, continue d’être le théâtre d’une instabilité chronique, exacerbée par la résurgence de groupes armés. Après la CRP (Convention pour la révolution populaire) de l’ancien condamné par la Cour pénale internationale, un nouveau mouvement rebelle, la Coalition nationale pour la libération du Congo (CNLC), a récemment vu le jour dans la chefferie de Walendu Bindi, précisément à Aveba, au sud du territoire d’Irumu. Ce groupe, dirigé par le colonel Innocent Kaina, suscite des inquiétudes quant à son impact sur la situation sécuritaire déjà précaire dans la région. (INFO SOS Médias Burundi)
Ancien enfant-soldat sous l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), Innocent Kaina a parcouru plusieurs mouvements armés. Il a notamment été un cadre important du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) et du Mouvement du 23 mars (M23). Malgré ses liens passés avec le M23, il n’a pas rejoint la rébellion lors de sa résurgence en 2021, en raison de tensions avec le chef militaire du mouvement, Sultani Makenga.
Sa décision de créer la CNLC semble être le fruit de ces dissensions et de la volonté d’établir une nouvelle dynamique militaire dans l’Ituri. Toutefois, les objectifs précis du groupe restent flous, et des questions se posent sur ses soutiens et ses sources de financement.
Un contexte sécuritaire déjà fragile
L’Ituri est une province marquée par des conflits incessants opposant divers groupes armés. Parmi eux, la milice CODECO (Coopérative pour le Développement du Congo) et les rebelles ADF (Forces Démocratiques Alliées), connus pour leurs attaques meurtrières contre les civils et les forces de sécurité. L’apparition de la CNLC vient complexifier encore davantage cette mosaïque de violence, rendant les efforts de pacification plus difficiles.
Les ADF : Une menace persistante en Ituri
Les Forces Démocratiques Alliées (ADF), groupe armé d’origine ougandaise, sont parmi les plus redoutées dans l’Est de la RDC. Actives principalement dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, elles sont responsables de nombreux massacres de civils et d’attaques contre les forces congolaises et étrangères. Depuis leur implantation en RDC dans les années 1990, les miliciens-ADF ont multiplié les exactions, gagnant une réputation de brutalité extrême.

Ces dernières années, les ADF ont intensifié leurs attaques en Ituri, notamment dans les territoires d’Irumu et de Mambasa, où ils ciblent aussi bien les populations locales que les infrastructures stratégiques. L’armée congolaise, appuyée par des forces ougandaises dans le cadre d’une coopération militaire, mène des opérations pour les éradiquer, mais la menace demeure persistante.
Le groupe est également accusé d’entretenir des liens avec des réseaux jihadistes internationaux, notamment l’État islamique, ce qui a complexifié davantage les efforts pour le neutraliser. Sa présence en Ituri exacerbe l’instabilité et contribue à l’insécurité qui empêche les populations de vaquer à leurs activités quotidiennes.
Une prolifération des groupes armés à l’Est de la RDC
Au-delà de l’Ituri, l’Est de la République Démocratique du Congo est infesté de nombreux groupes armés, notamment :
Les Forces Démocratiques Alliées (ADF) : D’origine ougandaise, ce groupe est responsable de multiples attaques terroristes et massacres dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu.
La CODECO (Coopérative pour le Développement du Congo) : une milice à dominante ethnique qui s’attaque aux communautés rivales et aux forces de sécurité.
Le M23 (Mouvement du 23 mars) : principal mouvement rebelle actif dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu dont ses rebelles contrôlent déjà les chefs-lieux, accusé d’être soutenu par le Rwanda.
Les Maï-Maï : les milices locales entretenues par les autorités congolaises aux motivations diverses, souvent liées aux communautés locales.
Les FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) : un groupe rebelle rwandais composé d’anciens génocidaires Hutus, actif depuis les années 1990.
« L’arrivée d’un nouveau groupe rebelle ne fait qu’intensifier la crise sécuritaire dans la province », analyse un spécialiste des conflits armés en RDC. « Cela pourrait engendrer de nouvelles alliances, mais aussi des affrontements entre factions rivales. »
Réaction du gouvernement et des forces de sécurité
Jusqu’à présent, le gouvernement congolais n’a pas officiellement réagi à l’émergence de la CNLC. Cependant, des sources sécuritaires indiquent qu’une surveillance accrue est en place et que des mesures pourraient être prises pour contenir l’expansion de ce groupe armé.
« Nous suivons de près l’évolution de la situation et prendrons les dispositions nécessaires pour préserver l’intégrité territoriale du pays », a déclaré sous anonymat un haut responsable sécuritaire.

Par ailleurs, la population civile reste la première victime de cette instabilité, avec des déplacements massifs et des violences récurrentes. Les organisations humanitaires expriment leurs inquiétudes face à la dégradation des conditions de vie dans cette province en proie à des tensions incessantes.
Vers une nouvelle escalade de la violence ?
Avec l’émergence de la CNLC, la carte des conflits en Ituri risque d’être redessinée. Ce nouveau groupe pourrait entrer en compétition avec d’autres factions pour le contrôle des territoires et des ressources, augmentant ainsi les tensions interethniques et les affrontements armés.
Face à cette menace, les autorités congolaises sont appelées à agir rapidement afin d’éviter une nouvelle escalade de la violence. Une réponse gouvernementale efficace et coordonnée, combinée à des efforts diplomatiques et sécuritaires, est plus que jamais nécessaire pour stabiliser l’Ituri et éviter de nouvelles tragédies humaines.
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Photo : le colonel Innocent Kaina au milieu de sa garde, non loin de la ville de Goma ,le 19 novembre 2012. À l’époque il était l’un des commandants de secteurs du M23, le groupe armé qui contrôle désormais les chefs-lieux des provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu, crédit photo :Getty Images