Bujumbura : face à la cherté de la vie, des femmes Batwa adoptent une nouvelle approche
Malgré les difficultés économiques et la stigmatisation, certaines femmes Batwa de Bujumbura- province ( ouest du Burundi) refusent de se laisser abattre. Abandonnant la mendicité, elles trouvent des moyens de subsistance dignes, inspirant ainsi leur communauté.
INFO SOS Médias Burundi
Parmi ces femmes courageuses figure Anitha Barakanyamaniye, connue sous le surnom de Maman Evelyne. Vendeuse de légumes au petit marché de Gikungu dans le nord de la capitale économique Bujumbura, elle rejette la mendicité qu’elle juge humiliante.
« Tout le monde me connaît ici, et même mes enfants n’ont jamais mendié », affirme-t-elle avec fierté.
Originaire de la commune Isale, elle exerce ce métier depuis plusieurs années. Comme les autres femmes du marché, elle fait face à des défis quotidiens, mais ressent parfois un pincement au cœur lorsque son identité ethnique lui est rappelée de manière insistante.
« Je suis une femme, une mère, et oui, je suis Umutwakazi et j’en suis fière. Mais je n’ai pas besoin qu’on me le rappelle sans cesse. Cela sous-entend souvent que je ne peux pas avancer. Pourtant, je me bats comme toute autre femme ici », explique-t-elle.
Une volonté de s’en sortir malgré les obstacles
Interrogée sur d’éventuelles discriminations dans son travail, elle assure qu’elle cohabite bien avec ses collègues.

Febronie Nahimana et Francine Manirakiza assises à côté de leurs enfants ( SOS Médias Burundi)
« Tout le monde sait que je suis Mutwakazi, mais nous nous entendons bien. Beaucoup de femmes Batwa de mon âge mendient encore, mais j’ai choisi une autre voie. J’ai commencé en observant d’autres femmes qui se rendaient au marché de Cotebu pour acheter des légumes frais avant de les revendre à Gikungu. Avec un petit capital, j’ai persisté et j’ai même pu acheter une parcelle où j’ai construit une maison. Aujourd’hui, je suis heureuse et mon commerce fonctionne bien », confie-t-elle avec satisfaction.
Faire face aux préjugés et aux incertitudes
Malgré son déterminisme, elle a dû affronter des doutes et des paroles découragéantes.
« Certains me disaient que je n’y arriverais pas, mais je n’ai pas prêté attention », raconte-t-elle. « Ma seule crainte, c’est l’instabilité politique. Tant qu’il y a la paix, je peux me débrouiller comme toutes les autres femmes, qu’elles soient Tutsi ou Hutu. Ici, nous nous entraidons mutuellement », ajoute-t-elle.
Ses collègues saluent son courage. « C’est une femme exemplaire. D’autres femmes Batwa devraient s’inspirer d’elle. Aujourd’hui, la vie est dure, et même les bienfaiteurs se font rares. Il faut travailler », conseille Ménédore Hakizimana, vendeuse d’avocats.
Un quotidien entre mendicité et commerce
Dans un autre petit marché, à Nyenzari, d’autres femmes Batwa tentent également de s’en sortir. Francine Manirakiza et Febroni Nahimana, originaires de la colline Gasi en commune Isale, ont trouvé une alternative à la mendicité classique.

Anitha Barakanyamaniye en train de vendre ses légumes ( SOS Médias Burundi)
Elles demandent des vêtements qu’elles revendent pour subvenir à leurs besoins.« Nous mendions encore, mais surtout pour obtenir des habits et des chaussures que nous revendons. Nous transformons cette mendicité en petit capital pour nous nourrir et nourrir nos enfants », expliquent-elles.
Chaque après-midi, elles se rendent au marché de Nyenzari pour vendre leurs trouvailles et acheter de quoi manger.
« Plutôt que de rester les bras croisés ou de voler comme certains, nous avons choisi cette solution », déclare l’une d’elles.
Ces femmes soulignent toutefois un obstacle majeur : l’accès à la terre et à l’emploi.« Nous n’avons pas de terres à cultiver et, à cause de la stigmatisation, nous avons du mal à trouver un travail », regrettent-elles.
Malgré ces difficultés, de plus en plus de femmes Batwa osent briser les barrières et trouver des moyens de gagner dignement leur vie.
Les Batwa est une tribu très minoritaire et marginalisée au Burundi. Elle se retrouve aussi dans les pays de la sous-région comme au Rwanda et en République démocratique du Congo ( RDC). Malgré les quotas qui leur sont reconnus par la Constitution du Burundi notamment au parlement, les Batwa restent confrontés à plusieurs défis dont le non accès à l’éducation et aux soins de santé. Depuis l’existence de la petite nation de l’Afrique de l’est, les Batwa ont un représentant au gouvernement. Il s’agit de la ministre Imelde Sabushimike, en charge de la Solidarité et des droits de la personne humaine.
——-
Febronie Nahimana et Francine Manirakiza au marché de Nyenzari ( SOS Médias Burundi)
