Guerre dans l’Est du Congo: l’Afrique du Sud compte-t-elle utiliser l’aéroport de Bujumbura pour envoyer de nouvelles troupes au Congo ?
Au moins deux avions de l’armée sud-africaine se sont posés à l’aéroport de Bujumbura dans la ville commerciale du Burundi, mercredi dernier. Ils transportaient des militaires qui devraient aller renforcer les positions des forces de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) dans l’est du Congo. C’est au moment où l’aéroport de Goma qu’ils empruntaient n’est plus accessible après la prise du chef-lieu du Nord-Kivu par les rebelles du M23. (SOS Médias Burundi)
Le contingent sud-africain a payé le lourd tribut lors des récents combats avec le M23. Au moins 13 de ses militaires ont été tués durant les hostilités qui ont opposé les FARDC (Forces Armées de la République démocratique du Congo) et leurs alliés et les rebelles du M23 autour de Goma, la principale ville de l’est du vaste pays de l’Afrique centrale et chef-lieu du Nord-Kivu, tombée dans les mains des rebelles le 27 janvier dernier qui y ont installé une administration parallèle. Selon des sources policières postées à l’aéroport de Bujumbura, deux avions de l’armée sud-africaine se sont posés au seul aéroport international de la petite nation de l’Afrique de l’est, mercredi dernier.
« Ils se sont dirigés directement dans le camp de Gakumbu. Beaucoup de personnes ont pensé qu’il s’agit des avions-cargo mais ils étaient pleins de militaires », disent-elles.
Le camp de Gakumbu est situé presque dans les enceintes de l’aéroport de Bujumbura. La piste de l’aéroport se prolonge jusque dans cette caserne.
« C’est vrai que ces avions emmenaient des militaires sud-africains. Nous avons appris qu’ils devraient par après emprunter la route Gatumba-Uvira pour passer par le Sud-Kivu afin d’aller renforcer les positions de la force de la SADC », a dit un officier de l’armée burundaise. Toutefois, des agents burundais et congolais postés à la frontière Gatumba-Kavimvira, entre les provinces de Bujumbura (Burundi) et du Sud-Kivu (RDC – République démocratique du Congo) ont dit à un reporter de SOS Médias Burundi que « nous n’avons vu aucun militaire sud-africain passer par cette frontière ».
« Personne ne sait la destination de ces militaires, encore moins le chemin qu’ils ont emprunté », a insisté un autre officier de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) posté dans le camp de Gakumbu. Cet officier affirme pourtant avoir vu « ces militaires sud-africains débarquer à Gakumbu ».
« En tout cas l’information concernant leur mission et le chemin qu’ils ont emprunté reste très confidentielle », dit un officier de la PNB (Police nationale du Burundi) affecté au bureau du ministre burundais en charge des affaires intérieures.
L’opposition sud-africaine se déchaîne contre le gouvernement
Lors d’une séance de ce lundi au parlement sud-africain, Julius Malema, fondateur du parti EFF- Economic Freedom Fighters ou les Combattants pour la liberté économique, a regretté que « le déploiement imprudent des troupes sud-africaines en RDC …nous avait été présenté comme un effort de maintien de la paix. Toutefois, la vérité est que nos soldats ne sont pas là-bas pour maintenir la paix ».
« Ils sont engagés dans des combats directs, combattant contre des rebelles du M23 hautement armés et stratégiquement supérieurs », a dénoncé Julius Malema. Il a accusé le président rwandais Paul Kagame de soutenir le M23. Ces mêmes allégations avaient été faites, fin janvier, par le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Le conflit dans l’est du Congo a provoqué une montée des tensions entre le Rwanda et l’Afrique du Sud après que Kagame ait accusé publiquement Ramaphosa de répandre « des mensonges et des distorsions délibérées » sur la crise dans l’est du Congo.
Avant de participer à un sommet conjoint des chefs d’État de la Communauté Est-Africaine, EAC, et de la SADC le week-end dernier, M. Ramaphosa avait déclaré dans son discours sur l’état de la nation : « nous veillerons à ce que nos garçons, nos soldats rentrent à la maison ».
Le sommet a appelé à « un cessez-le-feu immédiat ». Julius Malema s’est attaqué au gouvernement qu’il accuse de sacrifier les fils et filles de l’Afrique du Sud.
« Ce gouvernement continue de les envoyer mourir à l’étranger et, lorsqu’ils périssent, leurs corps ne sont pas rapatriés avec la dignité qu’ils méritent. Nous attendons toujours les cadavres même après que le chef de la défense ait dit que les corps arriveraient le lendemain », a-t-il déclaré avec un ton très sévère.

Selon cet opposant sud-africain, « nos troupes doivent être ramenées à la maison immédiatement ».
« Nous ne pouvons pas permettre que d’autres vies soient perdues dans un conflit insensé alors que des politiciens corrompus continuent de piller et de mal gérer nos ressources de défense », a-t-il insisté.
Et de conclure avec fermeté : »ramenez-les à la maison maintenant! »
Le contingent sud-africain, composé de 2900 militaires mal équipés, est déployé près de Goma. Les militaires burundais qui y étaient déployés dans le cadre d’un partenariat bilatéral entre les gouvernements burundais et congolais sont soit rentrés après la fin de leur mission, ou ont fui vers le Sud-Kivu ou encore ont été redéployés dans la même province où les rebelles du M23 se sont emparés ces derniers temps, de quelques cités minières après avoir chassé les éléments de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) mal équipés également ainsi que les militaires congolais et les membres des milices locales entretenues par les autorités congolaises. L’Afrique du Sud entretient de bonnes relations avec le Burundi dont les autorités ont fermé les frontières avec le Rwanda en janvier 2024, accusant le président rwandais Paul Kagame « d’avoir un plan de déstabilisation de la sous-région ».
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Photo : un char de combat de la coalition de Kinshasa dans les environs de Goma où des militaires sud-africains sont postés © SOS Médias Burundi
