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Burundi : les répercussions de la Crise Politique de 2015 au Burundi sur les réfugiés congolais

La crise politique qui a secoué le Burundi depuis avril 2015, suite à un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza , a plongé le pays dans une crise profonde. Les manifestations massives qui ont suivi ont été réprimées avec une violence inouïe, forçant près d’un demi million de Burundais à fuir vers les pays voisins. Cette situation a également eu des répercussions inattendues sur les réfugiés congolais qui avaient trouvé refuge au Burundi. Alors que la communauté hôte cherchait désespérément à échapper à la violence, certains réfugiés ont dû prendre des décisions difficiles qui ont compliqué leur statut. Il y en a qui ont fui en compagnie de ressortissants burundais et en tant que Burundais. Leur situation est compliquée à la fois pour ceux qui sont partis s’installer dans les pays de la sous-région, laissant derrière leurs familles ou encore ceux qui sont rapatriés en tant que réfugiés burundais. Plusieurs demandes de réinstallation dans un troisième pays d’accueil ont été affectées par cette situation. (SOS Médias Burundi)

Des centaines de milliers de Burundais ont quitté leur pays pour aller se réfugier en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie, au Rwanda, en République démocratique du Congo, en Zambie ou encore au Malawi, cherchant la sécurité et la stabilité. Dans ce contexte d’instabilité, certains réfugiés congolais, qui avaient trouvé refuge au Burundi, se sont retrouvés dans une situation précaire.

Contradiction aux règles internationales

Craignant pour leur sécurité et voyant la communauté hôte fuir, certains réfugiés ont décidé de quitter le Burundi pour divers pays d’Afrique de l’Est notamment.

D’autres ont choisi de retourner dans leur pays d’origine, espérant retrouver un semblant de normalité. Cependant, cette décision n’a pas été sans complications. Beaucoup d’entre eux se sont présentés comme des Burundais fuyant leur pays pour obtenir un statut de réfugié, une contradiction aux règles internationales sur le statut des réfugiés. Ces départs ont souvent divisé les familles, laissant certains membres dans les camps de réfugiés au Burundi. Avec la prise de pouvoir par le nouveau président Évariste Ndayishimiye en 2020, de nombreux réfugiés sont revenus au Burundi, se retrouvant ainsi avec un double enregistrement.

Des réfugiés congolais à l’aéroport de Bujumbura dans la ville commerciale du Burundi en partance vers les États-Unis

Un réfugié du camp de Kinama dans le nord-est du Burundi explique: « ma mère était partie au camp de Nakivale en Ouganda avec mes frères, et je suis resté ici avec ma grand-mère âgée. De leur retour au Burundi, nous avons eu la chance de commencer le processus de réinstallation, mais à cause de leur double enregistrement, notre processus a été interrompu. Nous aussi, qui n’étions pas partis, en avons été victimes, car nous sommes sur un même numéro de ménage ».

Il n’est pas le seul à avoir rencontré ces difficultés.

« En 2015, lorsque la crise a éclaté au Burundi, nous avons vu la communauté hôte fuir, et cela nous a fait réaliser que nous n’étions pas en sécurité ici non plus. J’ai dû fuir à nouveau, cette fois vers le Kenya, où je me suis encore retrouvée en tant que réfugiée. En 2020, je suis retournée au Burundi. En 2023, j’ai eu la chance de commencer le processus de réinstallation. J’étais pleine d’espoir, rêvant d’un avenir meilleur. Lorsque le système de l’empreinte digitale a commencé pour la réinstallation, j’ai été bloquée à cause d’un double enregistrement, c’est-à-dire que j’étais réfugiée à la fois au Burundi et au Kenya, et maintenant mon cas a été suspendu », témoigne avec regret, une autre réfugiée congolaise de Kinama.

Pour d’autres comme Biyanda (nom d’emprunt), la crise de 2015 les avait poussés à penser à des solutions inimaginables.

« Je suis partie seule au Congo, laissant mon mari et mes enfants ici au camp, après avoir fui la crise de 2015 au Burundi, pensant que la situation s’était améliorée dans mon pays d’origine. Malheureusement, j’ai constaté que l’insécurité y régnait toujours. J’ai donc décidé de me réfugier au camp de Lusenda ( Sud-Kivu à l’est du Congo). À mon arrivée, j’ai dû changer de nationalité pour devenir Burundaise, espérant ainsi obtenir un statut de réfugié. Cependant en 2020, je suis retournée au Burundi. En 2024, ma famille a commencé le processus de réinstallation. À cause de ma double nationalité et de mon double enregistrement, notre processus de réinstallation a été interrompu. Je vis dans l’angoisse de perdre mon statut à cause du changement de la nationalité, et cela crée des tensions avec ma famille qui m’accuse d’être responsable de cette interruption. Je me retrouve donc dans une situation encore plus compliquée », se désole cette réfugiée installée dans le camp de Musasa au nord du Burundi.

Espoir mitigé

En 2024, la branche du HCR en charge de la protection, a mené des entretiens individuels pour comprendre les raisons qui ont poussé chaque individu à avoir le double enregistrement . Les cas ont ensuite été transmis à Genève pour évaluation, mais les familles concernées restent dans l’incertitude quand à leur avenir.

Des réfugiés congolais sur un point d’eau dans le camp de Musasa au nord du Burundi © SOS Médias Burundi

La crise politique au Burundi a engendré des mouvements migratoires complexes qui ont touché non seulement les Burundais, mais aussi certains réfugiés congolais. La recherche de sécurité a conduit à des choix difficiles et à des situations de double enregistrement, laissant de nombreux réfugiés congolais avec un statut de réfugié compliqué. Les familles concernées par le double enregistrement vivent dans le désespoir de reprise de leur processus de réinstallation , les laissant dans une situation d’attente sans savoir quand leur affaire prendra un tournant normal.

Le Burundi abrite près de 90 mille réfugiés congolais, essentiellement originaires de la province du Sud-Kivu à l’est du vaste pays de l’Afrique centrale, selon le HCR. La moitié est constituée de jeunes gens.

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Photo : des réfugiés congolais au camp de Musasa au nord du Burundi © SOS Médias Burundi