Nduta (Tanzanie) : un camp en train de se transformer en savane ?
Le camp de Nduta en Tanzanie, qui abrite plus de 58 000 réfugiés burundais, semble progressivement se métamorphoser en une savane ou une réserve naturelle. Cette situation, conséquence directe de l’interdiction d’activités agricoles, suscite l’inquiétude et l’indignation des occupants du camp. (SOS Médias Burundi)
Depuis plusieurs mois, les réfugiés ne sont plus autorisés à couper les herbes envahissantes, même lorsqu’elles obstruent les passages ou envahissent les habitations. « C’est pour éviter que des cultures oubliées ne profitent aux réfugiés », avait confié à demi-mot le président du camp, représentant du ministère tanzanien de l’Intérieur en charge des réfugiés.
Une situation alarmante
Pour les habitants du camp, cette décision est perçue comme une preuve de « pure méchanceté ». Un réfugié burundais résidant dans la zone 9 raconte comment il a failli être sanctionné pour avoir tenté de dégager les hautes herbes qui bloquaient l’entrée de sa maison.
« J’ai échappé à une punition grâce à la clémence de l’administration, après avoir demandé pardon », relate-t-il.
Les herbes, qui auraient pu être utilisées comme légumes consommables, alimentent désormais l’ironie et le désespoir.
« Si c’étaient des plantes comestibles, comme des amarantes ou d’autres légumes, on ne mourrait pas de faim », soulignent certains réfugiés.
Des conséquences sanitaires préoccupantes
Cette végétation envahissante n’est pas sans risques. « Derrière les maisons, entre les habitations, partout, les herbes poussent sans contrôle. On évite même de sortir la nuit, de peur des maladies comme le paludisme ou des attaques d’animaux dangereux », s’alarment les réfugiés.
Les autorités sanitaires partagent ces préoccupations. « Ces herbes forment des nids à moustiques, favorisant la propagation du paludisme. Bien que MSF ( Médecins Sans Frontières) ait pulvérisé des insecticides, réduisant temporairement les cas, cette mesure pourrait être compromise par la situation actuelle », prévient un volontaire médical.
Les leaders locaux ont interpellé l’administration du camp. Après plusieurs demandes, le président du camp aurait finalement accepté que les herbes proches des habitations puissent être coupées. Cette décision aurait été motivée par un incident grave : dans la zone 8, un réfugié a été mordu à la jambe par un serpent dissimulé dans les hautes herbes.

Des organisations humanitaires et les leaders communautaires se sont appuyés sur cet incident pour insister sur la nécessité d’assouplir les restrictions.
Une mise en œuvre compliquée
Malgré cette avancée, les réfugiés restent sceptiques quant à la mise en œuvre de cette décision. « Même si l’autorisation est accordée, comment allons-nous couper ces herbes ? Nous n’avons pas de coupe-coupes, et les personnes âgées ou invalides ne peuvent pas effectuer ce travail », s’inquiètent-ils.
Ils appellent à une aide d’urgence, notamment en outils et en soutien logistique, pour faire face à cette « savane digne d’une réserve naturelle ».
Depuis 2015, année marquée par la crise politique et le troisième mandat controversé du président Pierre Nkurunziza, le camp de Nduta demeure un refuge pour des milliers de Burundais. Pourtant, la vie y devient de plus en plus difficile, entre restrictions, menaces sanitaires et incertitudes sur leur avenir.
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Photo : des herbes qui ont bloqué les anciens sentiers menant vers les habitations au camp de Nduta en Tanzanie, décembre 2024 © SOS Médias Burundi
