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Arusha (Tanzanie) : la RDC traîne le Rwanda devant la Cour de justice de l’EAC

Ce jeudi, la Cour de justice de la Communauté Est-Africaine a commencé à entendre les parties concernées par les plaintes déposées par la RDC contre le Rwanda. Kinshasa accuse Kigali de soutenir un mouvement rebelle (M23) contre un État (RDC) partageant la même Communauté. (SOS Médias Burundi)

L’audience de ce jeudi devant le siège de première instance de la Cour de justice de l’EAC a porté sur les requêtes découlant d’une affaire déposée par le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) contre le gouvernement du Rwanda au sujet de “conflits présumés” dans le Nord-Kivu, à l’est du Congo.

La RDC accuse le Rwanda “d’actes d’agression qui violeraient sa souveraineté, son intégrité territoriale, sa stabilité politique et son indépendance”. La RDC soutient que les actions du Rwanda ont conduit à “des violations significatives des droits de l’homme” dans la région du Nord-Kivu.

Les avocats qui plaident pour le compte du Congo ont signifié à la Cour que « le Rwanda a violé les traités de l’EAC qui stipulent qu’aucun État-membre ne doit en aucun cas attaquer, héberger ou soutenir des rebelles qui agissent contre un autre État-confrère ».

Ils ont indiqué que le Rwanda a violé ces articles « en envoyant des troupes, munitions et en soutenant le mouvement rebelle M23».

«Ces agissements constituent un acte de crime d’agression », ont-ils conclu.

Pour le Rwanda, il a d’abord contesté la forme : les documents qui accompagnent ces plaintes , déposés à la Cour, n’ont pas été traduits du français à l’anglais, qui est la langue officielle de la Communauté Est-Africaine.

Ensuite, les avocats du Rwanda ont demandé à la Cour d’ordonner la « radiation de l’affaire » car « n’étant pas fondée ».

« Le Rwanda n’a jamais dépassé ses frontières, n’a pas de troupes en RDC, et le mouvement M23 est constitué par des Congolais, et donc le Rwanda n’a rien à voir dans ce conflit entre frères Congolais », ont-ils soutenu.

« La RDC ne trouvera jamais de preuves tangibles irréfutables : quels sont les noms des troupes rwandaises qui sont en RDC ? Combien sont-elles ? depuis quand ? », ont-ils interrogé.

Au contraire, renchérissent-ils, « Kigali est dans une dynamique de recherche de solutions en participant dans des initiatives régionales de Luanda ( Angola), Nairobi ( Kenya) et Bujumbura ( Burundi), au moment où Kinshasa se montre réticente devant ces initiatives».

« Que l’affaire soit close, retirée et annulée sans aucune autre procédure», ont-ils clôturé.

Le siège a affirmé que l’affaire devra continuer dans les jours qui viennent pour entrer dans le fond.

Kinshasa y a dépêché le vice-ministre de la Justice et du Contentieux. Samuel Mbemba y a été accompagné par d’autres juristes.

Pour cette délégation, la démarche de l’EAC, à laquelle la RDC appartient, fait suite au front judiciaire international créé par Félix Tshisekedi (président du Congo), en plus du front militaire et diplomatique, avec la création d’une task force dénommée « Justice internationale » et la nomination d’un chargé de mission auprès de la Cour Pénale Internationale (CPI), auprès de laquelle des requêtes ont été introduites il y a longtemps pour la même cause.

Des drapeaux des pays membres de l’EAC flottant dans la ville commerciale Bujumbura en marge du 21e sommet extraordinaire des chefs d’ État de l’EAC, le 31 mai 2023 © SOS Médias Burundi

Kinshasa a aussi entamé des démarches, toujours à Arusha en Tanzanie, mais cette fois-ci à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, pour réclamer l’examen en audience publique de la requête de la RDC contre le Rwanda.

Là, explique-t-elle, « l’affaire devrait être traitée dans un bref délai, sinon la RDC quitterait cette organisation africaine », menace le vaste pays de l’Afrique centrale.

De sa part, Kigali estime que la RDC n’a de leçon à donner à personne.

Olivier Nduhungirehe, chef de la diplomatie rwandaise, a déclaré à New York, en marge de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations-Unies que la RDC devrait commencer par « rendre justice aux victimes des FARDC (Forces Armées de la République démocratique du Congo) , et à celles des génocidaires Hutus FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) » avant de « donner des leçons de justice ».

D’après un spécialiste du droit de la sous-région, qui a d’ailleurs plaidé devant cette Cour plus d’une fois, la Cour de justice de l’EAC aura du mal à se prononcer sur cette affaire comme cela a été le cas dans les affaires entre le Rwanda et l’Ouganda et entre le Rwanda et le Burundi, entre 2015 et 2020.

« D’abord les juges sont nommés par les présidents des pays qui composent l’EAC, et travaillent en principe pour plaire à leurs maîtres. Et donc, il ne s’agit que du tapage judiciaire tout simplement », fait-il remarquer.

Le M23 -que le Rwanda est accusé de soutenir en permanence- est une ancienne rébellion Tutsi qui a repris les armes fin 2021, reprochant aux autorités congolaises de n’avoir pas respecté leurs engagements sur la réinsertion de ses combattants.

Depuis, ses combattants contrôlent une majeure partie de la province du Nord-Kivu à l’est du Congo et avaient commencé à avancer vers celle de l’Ituri avant d’observer un cessez-le-feu que les deux parties s’accusent mutuellement de violer.

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Photo : ambiance dans une salle de la Cour de justice de l’EAC lors de l’ouverture du procès RDC- Rwanda, le 26 septembre 2024 à Arusha en Tanzanie © DR