Burundi : les autorités burundaises hébergent les responsables des FLN et FDLR-parias de la sous-région

Depuis plus d’une semaine, il est rapporté une présence de responsables des FLN (Front national de libération) et des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) sur le sol burundais. Des sources sécuritaires et des témoins confirment qu’ils ont eu des rencontres avec des responsables militaires burundais. Les rencontres ont eu lieu dans les provinces de Cibitoke (nord-ouest) et Kayanza (nord), séparées par la réserve naturelle de la Kibira où sont installés des éléments FLN depuis des années. (SOS Médias Burundi)
SOS Médias Burundi a reçu la liste des responsables des deux groupes armés installés dans l’est de la République démocratique du Congo, qui ont été invités par les autorités burundaises.
Il s’agit du lieutenant général Hamada Habimana, considéré jusqu’à présent comme commandant en chef des rebelles FLN, du général major Pacifique Ntawunguka, chef militaire des FDLR, du général de brigade Antoine Hakizimana dit Jeva, un autre chef rebelle qui se revendique représentant des FLN, ainsi que du colonel Honoré Hategekimana connu communément sous le sobriquet de Théophile. Ce dernier se considère comme responsable de la branche armée des « révolutionnaires » chez les FLN.
Les réunions entre ces hauts responsables rebelles des groupes hostiles au président Paul Kagame, et des représentants de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) ,ont eu lieu dans des hôtels situés en province de Cibitoke au nord-ouest et à Kayanza au nord.
Selon des témoins, les rencontres ont été organisées les 29 et 30 août dernier et le 3 septembre.
Quelques agents de renseignements et un très petit nombre de responsables administratifs ont pris part à ces réunions également.
« Les réunions ont eu lieu à des hôtels tels que: Hôtel Green Village Iwacu de Bukinanyana appartenant au premier ministre Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika qui est natif de cette commune, l’hôtel Mwarangabo dont le propriétaire est le colonel de police Jérôme Ntibibogora, commissaire régional de la région-sud (cité dans plusieurs abus et assassinats des opposants) notamment et à Kabarore », disent nos sources. L’hôtel Mwarangabo est situé au chef-lieu de Cibitoke. SOS Médias Burundi n’a pas pu déterminer le nom de l’hôtel où la rencontre s’est déroulée à Kabarore. Notre rédaction n’a pas aussi eu l’identité des responsables militaires burundais qui accompagnent ces rebelles rwandais et qui leur parlent. Bukinanyana et Kabarore sont respectivement situées en province de Cibitoke et Kayanza.

Mais selon un officier de la FDNB qui a témoigné sous couvert d’anonymat, « les représentants de l’armée burundaise qui les rencontrent sont pour la majorité affectés dans la région nord-ouest. Toutefois, il y en a d’autres qui sont venus de l’état-major général en provenance de Bujumbura ».
Des sources dans le Sud-Kivu où presque tous les quatre responsables rebelles rwandais sont basés, affirment qu’ils ont traversé la frontière en compagnie ou escortés de militaires burundais.
« Ce n’est pas la première fois que certains d’entre eux se rendent au Burundi. Dans la plupart des cas, ces chefs rebelles utilisaient les frontières clandestines pour traverser. Mais cette fois-ci, ils ont eu des uniformes de l’armée burundaise et sont partis avec des militaires burundais postés sur le Sud-Kivu dans le cadre de leur rotation », expliquent-elles.
Le Burundi dispose d’au moins 4 bataillons dans le Sud-Kivu à l’est du Congo dans le cadre d’un partenariat bilatéral entre les gouvernements burundais et congolais. Ils participent aux côtés des FARDC (Forces Armées de la République démocratique du Congo) ,dans des combats contre les groupes armés locaux mais également mènent des attaques contre les positions de deux groupes armés burundais, Red-Tabara se trouvant sur la liste des mouvements terroristes du gouvernement burundais et les FNL (Forces nationales de libération) du général autoproclamé Aloys Nzabampema.
Motifs
Selon nos sources, les autorités burundaises veulent en premier lieu se poser en « médiateurs » entre deux groupes-FLN qui se regardent en chien de faïence. Le général Hamada est soupçonné d’avoir des contacts réguliers avec son compère burundais, Nzabampema.
« Or les autorités burundaises craignent que Nzabampema soit infiltré par le Rwanda pour enfin convaincre les rebelles rwandais à se rendre au Rwanda ou à lui livrer des secrets sur leur collaboration avec le gouvernement burundais », estiment des sources proches des rebelles rwandais dans le Sud-Kivu.
La deuxième raison du déplacement des chefs rebelles rwandais sur le sol burundais est, selon des sources sécuritaires burundaises, de « renforcer le moral des rebelles- FLN basés dans la Kibira et voir comment accentuer une présence des FDLR » dans le but de « déstabiliser le Rwanda ».
Nos sources dans le Sud-Kivu parlent d' »invitation » des autorités burundaises à ces quatre chefs rebelles rwandais. Ce mercredi soir, SOS Médias Burundi a appris qu’au moins un des quatre hôtes des autorités burundaises se trouvait dans la région Bukinanyana-Mabayi pour rencontrer des rebelles postés dans la Kibira.
Avec l’arrivée du président Ndayishimiye au pouvoir en juin 2020 suite à la mort inopinée de Pierre Nkurunziza son prédécesseur, les relations entre les autorités burundaises et les rebelles rwandais n’ont cessé de connaître des hauts et des bas. Plusieurs administratifs locaux surtout en province de Cibitoke, des représentants du parti au pouvoir le CNDD-FDD et des commerçants proches de l’ancienne rébellion Hutu ont été arrêtés et envoyés en prison pour avoir collaboré avec les « ennemis du Rwanda ».
En août 2023, le premier ministre Gervais Ndirakobuca était allé jusqu’à menacer de « tuer tous les collaboteurs de rebelles rwandais ».
Mais avec la fin du réchauffement diplomatique entre Kigali et Gitega, le recours à tout adversaire du Rwanda par les dirigeants burundais, est de mise. Au début de l’année, le président burundais Évariste Ndayishimiye appelait les jeunes rwandais à se soulever contre leur président Paul Kagame, qu’il qualifie comme « agresseur, hypocrite, saboteur et déstabilisateur de la sous-région ».
Le Burundi dont les dirigeants ont fermé les frontières terrestres avec le Rwanda reçoit ces rebelles rwandais alors que son « ami », le Congo a entamé de nouveau, dans la plus grande discrétion, des négociations avec le Rwanda, début septembre dernier sous l’égide de l’Angola.
Et parmi les aboutissements du deal, « la chasse aux FDLR ».
« Le processus de Luanda autour du président angolais a été relancé. Il y a eu des réunions ministérielles. Nous travaillons sur deux plans : il faut d’une part neutraliser les FDLR…. », a récemment annoncé Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais. Il a dit qu’une autre réunion y relative est prévue pour le 14 septembre.
Les FDRL, des anciens génocidaires impliqués dans le génocide de Tutsis en 1994 au Rwanda sont cités dans plusieurs exactions contre des civils dans les zones qu’ils contrôlent surtout dans le Nord-Kivu dans l’est du Congo. Grâce aux minerais qu’ils extraient dans cette zone riche en or surtout, ils sont parvenus à être incorporés dans l’armée congolaise, selon plusieurs rapports des experts indépendants. Il est aussi rapporté la vente de l’or par les FDLR aux autorités burundaises, en échange de base arrière et de facilitation dans le transfert des munitions.

Pour le cas des FLN, le territoire burundais n’a pas servi seulement d’établissement de positions dans la forêt naturelle de la Kibira mais aussi de chemin pour des recrues en provenance des pays de la sous-région dont l’Ouganda, ces dernières années. Ces recrues se dirigeaient vers le Sud-Kivu.
Ces derniers mois, un porte-parole de la FDNB a refusé de répondre aux allégations relatives à la présence des rebelles rwandais dans la Kibira et à la complicité dont ils bénéficient de certains hauts gradés de l’armée burundaise et responsables administratifs, en échange de l’or exploité illégalement dans cette réserve naturelle qui devient Nyungwe en se prolongeant au Rwanda.
Le gouverneur de Cibitoke Carême Bizoza n’a pas voulu faire de commentaires sur la présence de ces « hôtes » des autorités burundaises dans sa circonscription.
Les deux sœurs nations de la région des Grands-Lacs d’Afrique s’accusent mutuellement de provocation et d’héberger des rebelles qui veulent déstabiliser le territoire de chacune. Leurs relations se sont officiellement détériorées avec la crise de 2015 qui a été déclenchée par un autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza la même année. Depuis, les autorités burundaises reprochent au Rwanda d’avoir accueilli des auteurs du putsch manqué de cette année et de « les entretenir pour renverser les institutions au Burundi ». Le Rwanda quant à lui accuse les dirigeants burundais d' »abriter les génocidaires Hutus FDLR ».
Un porte-parole du gouvernement rwandais n’était pas disponible pour répondre à nos questions. Mais il y a quelques mois, Alain Mukularinda, le porte-parole adjoint du gouvernement rwandais avait affirmé que le Burundi héberge des « génocidaires Hutus » dont la liste a été soumise aux autorités burundaises, regrettant qu’aucune action n’a été envisagée jusqu’à présent pour les traduire en justice ou les remettre au Rwanda.
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Photo : des miliciens FDLR protègent une de leurs bases dans l’est du Congo, DR